La COVID-19 a-t-elle rendu la culture plus accessible ?

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par Julie-Anne Perrault et Michelle Roux-Bordage

 

Maquette tactile stade olympiqueLorsque l’heure du confinement a sonné, il y a deux mois, l’industrie culturelle a fait des pieds et des mains pour s’ajuster autant que possible à la distanciation physique. Plusieurs organisations se sont tournées vers la seule vitrine possible : l’Internet, le réseau par excellence pour rejoindre tout public. Même si le virtuel a ses limites, autant pour l’expérience du spectateur que pour les redevances et reconnaissances pour leurs créateurs, il était certainement la meilleure solution dans le contexte.


Une période d’adaptation


Depuis quelques années, les plateformes numériques ont commencé à faire le pont entre le public et les institutions culturelles. Bousculée par l’arrivée de la pandémie, l’offre culturelle en ligne s’est multipliée. Par exemple, des festivals cinématographiques ont mis leur programmation en ligne, des musées ont mis sur pied des visites virtuelles en 3D, des artistes ont commencé à performer en direct en toute simplicité, des expositions ont téléversé leurs guides audio et leurs œuvres sur leur site. 


Tout le créatif québécois du confinement est non seulement gratuit, mais il s’avère être un produit destiné spécifiquement et uniquement à la consommation numérique. Ainsi, tout le monde a droit au même type de contenu, en même temps. Se pourrait-il que la COVID-19 ait rendu la culture plus accessible ?

Pictogramme accessibilité web

La complexité et les limites de la culture numérique


Encore en 2020, ce ne sont pas toutes les tranches de la population qui ont accès équitablement à la culture ! Les populations marginalisées font face à plusieurs obstacles structurels.


Tout n’est pas rose : certaines personnes utilisent la technologie différemment à cause de certaines incapacités. Les besoins des personnes ayant une déficience visuelle ont été particulièrement négligés. Une grande part du contenu culturel numérique n’est pas consultable à l’aide d’un lecteur d’écran. Les photos n’ont pas toujours de texte alternatif. Le contenu vidéo n’a pas encore systématiquement du sous-titrage, et encore moins l’audiodescription. Les visites virtuelles en 3D sont difficiles à naviguer par ceux qui ont peu de dextérité. L’accessibilité numérique est difficile à cerner pour le commun des mortels puisqu’elle passe surtout par l’encodage, mais elle est essentielle pour que ce virage numérique soit réellement inclusif. 

 

Tout n’est pas rose : la grande vitesse du développement numérique demande des outils performants et une grande qualité de réseau. L’enjeu de l’accès à un réseau Internet fiable est important pour les personnes vulnérables. Celles qui vivent en situation de pauvreté n’ont pas toujours les moyens de se payer un forfait Internet, et elles sont potentiellement encore plus précaires dans le contexte actuel. Les personnes vulnérables situées en région éloignée ont quant à elles potentiellement de la difficulté à accéder à une connexion Internet de qualité. Elles ne pourront donc peut-être pas profiter autant que d’autres de l’offre culturelle virtuelle, malgré toute leur volonté à s’adapter. 

 

Tout n’est pas rose : il y a encore et toujours un grand fossé numérique au niveau des connaissances. Ce ne sont pas toutes les personnes vulnérables qui sont en mesure d’utiliser les médias numériques avec aise et assurance ! On a qu’à penser aux personnes aînées, qui n’ont pas grandi entourées par ces technologies. Certaines d’entre elles ont profité de la crise pour apprendre à maîtriser les outils numériques afin de rester en contact avec leurs proches. Beaucoup d’artistes et organismes hésitaient à faire le virage numérique et ont dû faire le saut pour survivre à cette pandémie. C’était peut-être le petit coup de pouce qu’il leur fallait pour essayer de surmonter leurs appréhensions. 


Pictogrammes cultures

L’héritage numérique de la pandémie

 

En regard des enjeux énumérés, il semble que ce sont toujours les mêmes individus qui sont pénalisés, pandémie ou pas ! Cette numérisation subite et unique de la culture a beaucoup de potentiel. Elle est abordable et à portée de clic. Elle peut être une bouffée d’air pour plusieurs personnes à mobilité réduite qui ont souvent de la difficulté à se rendre sur les lieux. Elles peuvent enfin visiter des musées et assister à des spectacles qui ne sont pas à leur portée même lorsque les institutions culturelles sont ouvertes ! Elles peuvent enfin vivre la même expérience que tout le monde : ce n’est pas un prix de consolation. Grâce au déploiement de la culture numérique, tout individu composant le public reste anonyme et n’est soumis à aucun jugement, quelle que soit sa condition.  


Afin que ce public puisse continuer à profiter d’une offre culturelle complète et actuelle, des investissements et des efforts devront être investis pour raffiner les outils afin que ces derniers deviennent réellement accessibles à tous. Il faudra également continuer à ajouter du contenu dédié spécifiquement à la consommation en ligne, même lorsque les institutions rouvriront. 


Chères institutions culturelles, ne lâchez pas vos souris. Rajoutez simplement un peu de texte alternatif.