Nouveau Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées

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par Julie-Anne Perrault

Affiche de l'OTC illustrant plusieurs types de transports et d'usagers, incluant une personne en fauteuil


Le 10 juillet 2019, l’Office des transports du Canada (OTC) a publié le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH), un complément à la Loi sur les transports au Canada. Ce règlement est un peu passé sous le radar, même s’il a le potentiel d’avoir un grand impact sur l’expérience de voyage de nombreux passagers handicapés.


Kéroul vous propose un tour d’horizon des grandes lignes de cette nouvelle réglementation afin que vous connaissiez bien vos droits !


L’Office des transports du Canada en bref 


L’Office des transports du Canada (OTC) est un tribunal quasi judiciaire indépendant et un organisme de réglementation. Un de ses mandats est de protéger le droit fondamental des personnes handicapées à un réseau de transport accessible.


Afin d’accomplir ce mandat, l’Office a mis sur pied un Comité consultatif sur l’accessibilité. Il est principalement formé de représentants de la communauté des personnes handicapées et l’industrie des transports. 


Pourquoi un nouveau règlement ? 


Le 26 mai 2016, l’OTC lançait une initiative de modernisation de la réglementation. Elle comprenait l’analyse et la révision de toutes les mesures touchant l’accessibilité. Suite à plusieurs consultations d’un bout à l’autre du pays, un nouveau règlement plus contraignant s’imposait.


Les obligations du nouveau règlement concernent les domaines suivants :

  • les communications;

  • la formation;

  • les services;

  • les flottes/parcs et équipement (exigences techniques seulement);

  • les gares, aérogares et terminaux portuaires;

  • et le contrôle de sûreté et contrôle frontalier.


La majorité des exigences entreront en vigueur le 25 juin 2020. Les exigences techniques plus complexes seront mises en œuvre graduellement sur une période de trois ans afin que la démarche se déroule bien.

 

Ce règlement est-il contraignant ?


Oui. Le Règlement sur les transports accessibles aux personnes handicapées (RTAPH) remplace deux règlements et six codes de pratiques volontaires. Le nouveau règlement est quant à lui exécutoire. 


Les fournisseurs de services de transport qui ne respectent pas les exigences en matière d’accessibilité s’exposent à des conséquences claires, notamment à des amendes pouvant atteindre 250?000 $. Une indemnité peut même être accordée au plaignant qui a subi des souffrances et des douleurs physiques ou psychologiques.


Ces exigences exécutoires renforceront le respect des droits des personnes handicapées tout en créant une prévisibilité accrue et des règles de jeu équitables pour les fournisseurs de services de transport.

 

Les fournisseurs de transport touchés 


AÉRIEN

Gros transporteurs menant leurs activités à l’intérieur du Canada, en provenance du Canada vers une destination dans un pays étranger, ou encore en provenance d’un pays étranger à destination du Canada


Un gros transporteur est une compagnie aérienne qui a transporté au moins un million de passagers au cours des deux années précédentes.

FERROVIAIRE

Activités de VIA Rail et d’Amtrak au Canada

TRAVERSIERS

Traversiers de passagers d’au moins 1?000 tonneaux qui franchissent des frontières nationales, provinciales ou territoriales

AUTOCARS

Activités de Greyhound et de Mega Bus au Canada

GARES

Aéroports situés dans une capitale nationale, provinciale ou territoriale ou qui ont desservi plus de 200?000 passagers au cours des deux années précédentes; 


Gares du Canada desservant les transporteurs ferroviaires, les exploitants de traversiers ou les exploitants d’autobus et d’autocars; 


Ports canadiens desservant des paquebots de croisière.

 

Quelles sont concrètement ces normes d’accessibilité ?


Communications


Les voyageurs handicapés doivent avoir accès à tous les modes de communication, incluants : 

  • les annonces et autres communications importantes visant à informer le public (celles-ci devront être fournies dans des formats accessibles);

  • les guichets libre-service automatisés;

  • les systèmes de télécommunications pour les réservations et les renseignements;

  • les sites Web et les applications.


Le Règlement oblige également les transporteurs à :

  • préciser la taille et le poids des aides à la mobilité que leurs flottes peuvent transporter dans les soutes à marchandises et les compartiments à bagages;

  • conserver sur demande pendant au moins trois ans les renseignements ou les documents relatifs aux besoins d’une personne handicapée, de sorte qu’elle n’ait pas à fournir les mêmes renseignements à répétition lorsqu’elle voyage. Le passager doit souligner explicitement son intérêt lors de la réservation.


Formation


Une formation bien plus complète est maintenant exigée. Le fournisseur de services de transport doit veiller à ce que les membres du personnel reçoivent une formation comprenant notamment les principes des droits de la personne, le service à la clientèle, l’aide physique, la manipulation des aides à la mobilité et l’utilisation d’équipements spécialisés.


Les employés et les entrepreneurs doivent suivre cette formation dans les 60 jours suivant le début de leurs fonctions, et une formation continue tous les trois ans. Des personnes handicapées doivent être consultées par rapport au contenu et aux méthodes didactiques.



Les groupes représentant des personnes handicapées, comme Kéroul, peuvent également jouer ce rôle. Ils agissent comme un raccourci, en plus d’avoir un pas de recul sur l’analyse des besoins généraux de ces clientèles.


Exigences relatives aux services aux passagers


Le Règlement prescrit une vaste gamme de services gratuits, comme l’aide à l’enregistrement avant le départ et à la récupération des bagages à l’arrivée. 


Les aides à la mobilité sont transportées prioritairement et gratuitement. La définition des aides à la mobilité n’inclut toutefois pas les aides pour les soins personnels comme les chaises de douche et les lève-personnes.

La politique « Une personne, un tarif » est maintenue pour les voyages à l’intérieur du Canada. Cette politique fait en sorte que si vous avez besoin d’un siège supplémentaire adjacent, que ce soit pour votre accompagnateur, votre chien d’assistance ou vous-même en cas d’embonpoint, aucuns frais supplémentaires ne vous seront chargés. 


Exigences techniques d’aménagement et de matériel


Le Règlement exigera que les transporteurs et les gares suivent une longue liste de spécifications de l’Association canadienne de normalisation (CSA). Ces normes portent sur des éléments comme les toilettes, les ascenseurs, les appareils élévateurs, les portes et les commandes. 


Les normes CSA ont été sélectionnées puisque ce sont des standards reconnus. Les organisations pouvaient d’ailleurs les suivre volontairement dans l’ancienne réglementation. Elles ont l’avantage d’être bilingues, accessibles en ligne, et continuellement mis à jour. Si l’Organisation canadienne d’élaboration de normes d’accessibilité (OCENA) créée par la Loi canadienne sur l’accessibilité mettait sur pied de nouvelles normes, elles remplaceraient probablement les normes CSA.


Ceci dit, à ces normes CSA s’ajoutent déjà des normes spécifiques aux transporteurs :

  • entreposage et transport des aides à la mobilité;

  • sièges de transfert, espaces pour les aides à la mobilité, espace d’entreposage des aides à la mobilité, appareils élévateurs, rampes, fenêtres servant d’issue de secours et toilettes accessibles;

  • disponibilité de fauteuils roulants à bord des trains, et disponibilité des renseignements sur les mesures de sécurité sur supports accessibles;

  • indicateurs tactiles de rangées, accoudoirs et boutons d’appel;

  • systèmes de divertissement accessibles à bord.


La principale exigence supplémentaire pour les gares est celle d’aménager des aires de soulagement pour les chiens d’assistance. Si la gare a une zone sécurisée, des aires de soulagement doivent être prévues à l’extérieur de celle-ci pour que le maître n’ait pas à en sortir.


La majorité de ces dispositions s’appliquent aux achats ou aux modifications futurs. Elles n’obligent pas à moderniser l’équipement existant. 



Quelques limites et lacunes du règlement


Bien que le RTAPH touche à bien des préoccupations, il a tout de même quelques limites et lacunes :

  • les exigences s’appliquent bien sûr seulement aux transporteurs fédéraux, ce qui fait qu’il n’y a aucune garantie de cohérence avec les autres paliers gouvernementaux – les personnes handicapées voyageant avec des transporteurs provinciaux ou municipaux doivent valider la qualité de leurs services et infrastructures; 

  • les exigences en matière de services s’appliquent à la fois aux transporteurs canadiens et aux transporteurs internationaux, mais celles sur les communications, la formation et les éléments techniques ne s’appliquent qu’aux transporteurs canadiens;

  • les sommes récoltées par les amendes seront simplement redirigées au gouvernement du Canada – elles ne serviront pas à améliorer l’accessibilité directement;

  • le transport des aides techniques pour soins personnels, comme les chaises de douche ou les lève-personnes, n’est pas mentionné;

  • les exigences techniques applicables aux compagnies aériennes canadiennes ne s’appliquent qu’aux aéronefs de 30 sièges passagers ou plus;

  • l’exigence « une personne, un tarif » ne s’applique qu’aux voyages intérieurs. 


Les deux derniers éléments seront revus lors de la Phase II du règlement, dont il est question plus loin.


Un règlement qui change la donne


Le Règlement sur le transport accessible des personnes handicapées peut entièrement changer la donne ! Il a énormément de potentiel, en plus de bénéficier d’une équipe dédiée à son gouvernail. Le nerf de la guerre restera son application – et l’imposition des amendes maintenant à la portée de l’OTC. L’inclusion de ces amendes dans la réglementation montre le sérieux de la démarche du gouvernement canadien. 


Il est aussi de votre ressort – voire même de votre devoir – de veiller à ce que l’esprit du règlement soit appliqué. En ce sens, nous vous encourageons à porter plainte au besoin. Une ligne d’aide  téléphonique et un formulaire en ligne ont été créés spécialement pour ça, comme présenté plus loin. Ce processus permettra bien sûr de s’assurer que le règlement soit suivi, mais aussi de vérifier qu’il réponde bien aux besoins des personnes handicapées. Si vos plaintes démontrent des lacunes réglementaires, elles pourraient faire changer la législation !   


Dans son rôle de défenseur des droits des personnes handicapées, Kéroul restera lui aussi aux aguets, en plus de s’impliquer dans la suite du processus. Ce changement législatif est un excellent tremplin vers une meilleure accessibilité des transports !